CONDUITE A TENIR DEVANT LA MISE EN
EVIDENCE D’ANTICORPS ANTINUCLEAIRES
I. INTRODUCTION :
Les
anticorps antinucléaires (AAN) sont des auto-anticorps dirigés contre les
constituants du noyau des cellules. On assimile également aux AAN les anticorps
réagissant avec des molécules cytoplasmiques mais provenant du noyau. Les AAN
sont hétérogènes et non spécifiques d’organes. Ils sont en règle polyclonaux,
d’affinité variable et, le plus souvent, ils n’ont pas de rôle pathogène
direct. Il existe une grande variété d’AAN, classés selon leur spécificité
antigénique : acides nucléiques et nucléoprotéines, antigènes nucléaires
solubles, protéines nucléolaires et protéines centromériques.
La mise en
évidence d’AAN n’est pas synonyme de maladie auto- immune et leur absence
n’élimine pas un processus auto- immun.
Les AAN ont
cependant un intérêt diagnostique majeur au cours de certaines maladies
systémiques et/ou auto- immunes, auxquelles ils sont souvent associés. Ils
peuvent également avoir un intérêt pronostique, comme au cours de la
sclérodermie systémique. Certains AAN peuvent être pathogènes, comme les anti-
SSA (Ro) qui peuvent entraîner, de façon rare, la survenue d’un bloc
auriculo-ventriculaire fœtal.
II. TECHNIQUE :
Les AAN sont
dépistés par une technique d’immunofluorescence indirecte (IFI) sur étalements
de cellules HEp- 2 (cellules de carcinome laryngé humain) ou de coupes de tissu
(foie de rat). Le sérum du patient est déposé sur la lame à des dilutions
croissantes et la réaction antigène- anticorps est révélée à l’aide d’un
anticorps anti- IgG humaine couplé à un fluorochrome. L’IFI permet d’identifier
des AAN avec une sensibilité de 100% et une spécificité de 86%. L’aspect de la
fluorescence nucléaire peut avoir une valeur d’orientation de la spécificité
antigénique des AAN, sans qu’un aspect de fluorescence soit spécifique d’un
antigène donné.
Le seuil de
positivité des AAN communément retenu comme significatif correspond à une
dilution supérieure ou égale à 1/160. En cas de positivité limite dans
un contexte clinique évocateur, le test peut être répété quelques semaines plus
tard.
En cas de
dépistage positif, la spécificité antigénique des AAN doit être déterminée à
l’aide d’autres techniques (immuno- enzymatiques, immunodot, radio-
immunologiques, immunodiffusion, immunotransfert, immunoprécipitation). Le
choix de la technique dépend de l’aspect de la fluorescence et de l’orientation
de la spécificité antigénique.
III. INDICATIONS
DU DÉPISTAGE DES ANTICORPS ANTINUCLÉAIRES :
Dans un but
diagnostique, le dépistage des AAN doit être limité à certaines situations
cliniques amenant à envisager le diagnostic de connectivites. Le dépistage et
le titrage des AAN peuvent aussi être indiqués pour évaluer un risque de
développer une atteinte viscérale. Au cours de la sclérodermie systémique, les
anticorps anti-centromère sont associés aux formes cutanées limitées qui
développent rarement une atteinte interstitielle pulmonaire ou de l’intestin grêle
mais plutôt une hypertension artérielle pulmonaire. Les anticorps anti- Scl- 70
sont associés à des formes diffuses avec plus fréquemment une atteinte
interstitielle pulmonaire, mais aussi d’autres atteintes viscérales comme une
hypertension artérielle pulmonaire, tandis que les anticorps anti- ARN
polymérase III sont associés à la survenue d’une crise rénale.
Situations
cliniques justifiant la recherche d’AAN :
ü
Polyarthrite,
ü
Éruption cutanée évocatrice
de lupus érythémateux systémique ou de dermatomyosite: rash malaire, érythème
en lunettes et des paupières, photosensibilité, Ulcérations buccales
récidivantes
ü
Pleuro- péricardite
ü
Cytopénies auto- immunes :
purpura thrombopénique immunologique, anémie hémolytique auto- immune
ü
Syndrome thrombotique inexpliqué
évocateur de SAPL : thrombose artérielle ou veineuse, fausses couches
spontanées, mort fœtale inexpliquée, accident du 3 T de grossesse
ü
Manifestations
psychiatriques, neurologiques centrales ou périphériques inexpliquées
ü
Myopathie inflammatoire,
ü
Pneumopathie interstitielle
inexpliquée, Hémorragie intra- alvéolaire, HTAP
ü
Phénomène de Raynaud
suspect, Sclérose cutanée, Syndrome sec inexpliqué
ü
Suspicion de vascularite
systémique, Néphropathie glomérulaire, MAT.
IV. CONDUITE À
TENIR DEVANT LA MISE EN ÉVIDENCE D’ANTICORPS :
Les AAN sont
fréquemment positifs au cours des connectivites.
Leur
spécificité antigénique permet le diagnostic différentiel entre les différentes
connectivites. Les anticorps anti-synthétases, bien que très spécifiques des
myosites, sont cependant relativement rarement retrouvés. Ils sont en règle
générale à l’origine d’une fluorescence cytoplasmique plus que nucléaire. Plus
rarement, des AAN dirigés vis- à- vis d’autres cibles peuvent être identifiés
au cours des myopathies inflammatoires : il s’agit des anticorps anti- PM- Scl,
anti- Mi2, anti- Ku, anti- MDA5. Enfin, au cours des myopathies nécrosantes, on
peut détecter une fluorescence cytoplasmique sur cellules Hep- 2, correspondant
à une spécificité anti- SRP (signal recognition particule).
Sauf pour
les anti- ADN natif (par test de Farr ou sur Crithidia luciliæ) et les
anti-nucléosomes qui peuvent être prédictifs d’une poussée de la maladie, le
titre des AAN n’est cependant pas corrélé à l’évolutivité de la maladie, et
certaines spécificités antigéniques ne sont pas spécifiques d’une connectivite
en particulier.
Il existe
des situations qui peuvent être associées à la présence d’AAN, mais où leur
dépistage n’est pas indiqué :
ü
Infections chroniques
(hépatites virales, infection par le VIH, endocardite d’Osler)
ü
Mononucléose infectieuse
ü
Tumeur solide, Hémopathies
lymphoïdes
ü
Médicaments (bêtabloquants,
quinine, procaïnamide, D- pénicillamine, hydralazine, méthyldopa, minocycline,
infliximab…)
ü
Grossesse, Sujet âgé, Sujet
sain.
Les AAN sont
retrouvés dans 10% des cas au cours de la grossesse.
La détection
d’anti- SSA (Ro), en règle au cours du lupus érythémateux systémique (LES) ou
d’un syndrome de Gougerot- Sjögren, doit faire rechercher la survenue d’un bloc
auriculo-ventriculaire fœtal entre la 16e et 24e semaine
de grossesse. Cependant, l’incidence des BAV est d’environ 1% chez les femmes
enceintes ayant des anticorps anti- SSA (Ro). Ces AAN ne témoignent pas d’une
auto-réactivité pathologique, mais de phénomènes d’auto-réactivité physiologique
présents chez tous les individus à taux faible.
Chez le
sujet sain, en l’absence de traitement inducteur, selon le seuil de positivité
des AAN, leur prévalence est variable : jusqu’à 13% à un titre supérieur à 1/80
et 5% à un titre supérieur à 1/160.
Certains
pièges techniques et diagnostiques existent :
ü
moins de 5% des anti- SSA
(Ro) sont détectés en IFI ; leur recherche doit donc être réalisée par les
techniques complémentaires, par exemple, par ELISA en cas de forte suspicion
clinique ;
ü
l’absence d’AAN n’exclut
pas le diagnostic de connectivites : les AAN peuvent manquer au début de la
maladie, ils ne sont pas constants au cours de ces pathologies. Enfin, ils
peuvent ne pas être détectables en cas d’hypo-gammaglobulinémie.
Ainsi
l’interprétation d’un dépistage positif des AAN doit- elle prendre en compte le
seuil de positivité, l’âge du patient et le contexte clinico-biologique
évocateur de connectivite.
Conduite
à tenir devant la mise en évidence d’AAN
excellent. merci doc
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