dimanche 2 septembre 2018

CONDUITE A TENIR DEVANT LA MISE EN EVIDENCE D’ANTICORPS ANTINUCLEAIRES


CONDUITE A TENIR DEVANT LA MISE EN EVIDENCE D’ANTICORPS ANTINUCLEAIRES
I.     INTRODUCTION :
Les anticorps antinucléaires (AAN) sont des auto-anticorps dirigés contre les constituants du noyau des cellules. On assimile également aux AAN les anticorps réagissant avec des molécules cytoplasmiques mais provenant du noyau. Les AAN sont hétérogènes et non spécifiques d’organes. Ils sont en règle polyclonaux, d’affinité variable et, le plus souvent, ils n’ont pas de rôle pathogène direct. Il existe une grande variété d’AAN, classés selon leur spécificité antigénique : acides nucléiques et nucléoprotéines, antigènes nucléaires solubles, protéines nucléolaires et protéines centromériques.
La mise en évidence d’AAN n’est pas synonyme de maladie auto- immune et leur absence n’élimine pas un processus auto- immun.
Les AAN ont cependant un intérêt diagnostique majeur au cours de certaines maladies systémiques et/ou auto- immunes, auxquelles ils sont souvent associés. Ils peuvent également avoir un intérêt pronostique, comme au cours de la sclérodermie systémique. Certains AAN peuvent être pathogènes, comme les anti- SSA (Ro) qui peuvent entraîner, de façon rare, la survenue d’un bloc auriculo-ventriculaire fœtal.
II.  TECHNIQUE :
Les AAN sont dépistés par une technique d’immunofluorescence indirecte (IFI) sur étalements de cellules HEp- 2 (cellules de carcinome laryngé humain) ou de coupes de tissu (foie de rat). Le sérum du patient est déposé sur la lame à des dilutions croissantes et la réaction antigène- anticorps est révélée à l’aide d’un anticorps anti- IgG humaine couplé à un fluorochrome. L’IFI permet d’identifier des AAN avec une sensibilité de 100% et une spécificité de 86%. L’aspect de la fluorescence nucléaire peut avoir une valeur d’orientation de la spécificité antigénique des AAN, sans qu’un aspect de fluorescence soit spécifique d’un antigène donné.
Le seuil de positivité des AAN communément retenu comme significatif correspond à une dilution supérieure ou égale à 1/160. En cas de positivité limite dans un contexte clinique évocateur, le test peut être répété quelques semaines plus tard.
En cas de dépistage positif, la spécificité antigénique des AAN doit être déterminée à l’aide d’autres techniques (immuno- enzymatiques, immunodot, radio- immunologiques, immunodiffusion, immunotransfert, immunoprécipitation). Le choix de la technique dépend de l’aspect de la fluorescence et de l’orientation de la spécificité antigénique.
Spécificité des anticorps antinucléaires en fonction de l’aspect de la fluorescence.

III.    INDICATIONS DU DÉPISTAGE DES ANTICORPS ANTINUCLÉAIRES :
Dans un but diagnostique, le dépistage des AAN doit être limité à certaines situations cliniques amenant à envisager le diagnostic de connectivites. Le dépistage et le titrage des AAN peuvent aussi être indiqués pour évaluer un risque de développer une atteinte viscérale. Au cours de la sclérodermie systémique, les anticorps anti-centromère sont associés aux formes cutanées limitées qui développent rarement une atteinte interstitielle pulmonaire ou de l’intestin grêle mais plutôt une hypertension artérielle pulmonaire. Les anticorps anti- Scl- 70 sont associés à des formes diffuses avec plus fréquemment une atteinte interstitielle pulmonaire, mais aussi d’autres atteintes viscérales comme une hypertension artérielle pulmonaire, tandis que les anticorps anti- ARN polymérase III sont associés à la survenue d’une crise rénale.
Situations cliniques justifiant la recherche d’AAN :
ü  Polyarthrite,
ü  Éruption cutanée évocatrice de lupus érythémateux systémique ou de dermatomyosite: rash malaire, érythème en lunettes et des paupières, photosensibilité, Ulcérations buccales récidivantes
ü  Pleuro- péricardite
ü  Cytopénies auto- immunes : purpura thrombopénique immunologique, anémie hémolytique auto- immune
ü  Syndrome thrombotique inexpliqué évocateur de SAPL : thrombose artérielle ou veineuse, fausses couches spontanées, mort fœtale inexpliquée, accident du 3 T de grossesse
ü  Manifestations psychiatriques, neurologiques centrales ou périphériques inexpliquées
ü  Myopathie inflammatoire,
ü  Pneumopathie interstitielle inexpliquée, Hémorragie intra- alvéolaire, HTAP
ü  Phénomène de Raynaud suspect, Sclérose cutanée, Syndrome sec inexpliqué
ü  Suspicion de vascularite systémique, Néphropathie glomérulaire, MAT.
IV.    CONDUITE À TENIR DEVANT LA MISE EN ÉVIDENCE D’ANTICORPS :
Les AAN sont fréquemment positifs au cours des connectivites.
Leur spécificité antigénique permet le diagnostic différentiel entre les différentes connectivites. Les anticorps anti-synthétases, bien que très spécifiques des myosites, sont cependant relativement rarement retrouvés. Ils sont en règle générale à l’origine d’une fluorescence cytoplasmique plus que nucléaire. Plus rarement, des AAN dirigés vis- à- vis d’autres cibles peuvent être identifiés au cours des myopathies inflammatoires : il s’agit des anticorps anti- PM- Scl, anti- Mi2, anti- Ku, anti- MDA5. Enfin, au cours des myopathies nécrosantes, on peut détecter une fluorescence cytoplasmique sur cellules Hep- 2, correspondant à une spécificité anti- SRP (signal recognition particule).
Sauf pour les anti- ADN natif (par test de Farr ou sur Crithidia luciliæ) et les anti-nucléosomes qui peuvent être prédictifs d’une poussée de la maladie, le titre des AAN n’est cependant pas corrélé à l’évolutivité de la maladie, et certaines spécificités antigéniques ne sont pas spécifiques d’une connectivite en particulier.
Il existe des situations qui peuvent être associées à la présence d’AAN, mais où leur dépistage n’est pas indiqué :
ü  Infections chroniques (hépatites virales, infection par le VIH, endocardite d’Osler)
ü  Mononucléose infectieuse
ü  Tumeur solide, Hémopathies lymphoïdes
ü  Médicaments (bêtabloquants, quinine, procaïnamide, D- pénicillamine, hydralazine, méthyldopa, minocycline, infliximab…)
ü  Grossesse, Sujet âgé, Sujet sain.
Les AAN sont retrouvés dans 10% des cas au cours de la grossesse.
La détection d’anti- SSA (Ro), en règle au cours du lupus érythémateux systémique (LES) ou d’un syndrome de Gougerot- Sjögren, doit faire rechercher la survenue d’un bloc auriculo-ventriculaire fœtal entre la 16e et 24e semaine de grossesse. Cependant, l’incidence des BAV est d’environ 1% chez les femmes enceintes ayant des anticorps anti- SSA (Ro). Ces AAN ne témoignent pas d’une auto-réactivité pathologique, mais de phénomènes d’auto-réactivité physiologique présents chez tous les individus à taux faible.
Chez le sujet sain, en l’absence de traitement inducteur, selon le seuil de positivité des AAN, leur prévalence est variable : jusqu’à 13% à un titre supérieur à 1/80 et 5% à un titre supérieur à 1/160.
Certains pièges techniques et diagnostiques existent :
ü  moins de 5% des anti- SSA (Ro) sont détectés en IFI ; leur recherche doit donc être réalisée par les techniques complémentaires, par exemple, par ELISA en cas de forte suspicion clinique ;
ü  l’absence d’AAN n’exclut pas le diagnostic de connectivites : les AAN peuvent manquer au début de la maladie, ils ne sont pas constants au cours de ces pathologies. Enfin, ils peuvent ne pas être détectables en cas d’hypo-gammaglobulinémie.
Ainsi l’interprétation d’un dépistage positif des AAN doit- elle prendre en compte le seuil de positivité, l’âge du patient et le contexte clinico-biologique évocateur de connectivite.

Conduite à tenir devant la mise en évidence d’AAN

1 commentaire: